jeudi 20 février 2025

Tchad : pourquoi le soutien de Mahamat Déby aux milices soudanaises constitue un risque grave pour son régime, pour le Tchad, et pour la stabilité régionale.

A mon communiqué du 19 février 2025 ayant pour titre « Tchad : Mahamat Deby a-t-il misé sur le « mauvais cheval » ? il manquait, une fois n’est pas coutume, la dimension ethno-politique sans laquelle les évènements ne peuvent être compris[1].

Dans la guerre civile du Soudan, qui, depuis avril 2023, oppose les Forces armées soudanaises (FAS) du général Abdel Fattah al-Burhan, aux Forces de soutien rapide (FSR), de Mohamed Hamdan Dagalo alias Hemeti,  le président tchadien Mahamat a pris le parti des FSR. Or, les FSR sont issues des Janjawid, milice tristement célèbre pour ses atrocités commises lors de la deuxième guerre du Darfour débutée en 2003 contre les Fur, les Massalit et les Zaghawa (voir à ce sujet mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours).

Or, ces trois ethnies transfrontalières sont ulcérées de voir que le président tchadien a décidé de soutenir ceux qui ont quasi-ethnocidé les leurs.  Résultat, les FAS arment actuellement des rebelles tchadiens dont l’objectif est la prise du pouvoir à Ndjamena, afin de priver les FSR de leur base arrière. Or, comme je l’ai écrit dans mon précédent communiqué, à la différence de son père, Mahamat Déby qui n’a ni ses capacités militaires, ni son envergure politique, se retrouve avec une armée profondément divisée et un pouvoir fragilisé face à des rebelles aguerris, équipés et soutenus par l’armée soudanaise. Un Mahamat Déby qui, de plus, ne pourra pas être sauvé par une intervention de la France puisqu’il a fait fermer ses bases militaires…Voilà pourquoi une grande fébrilité agite actuellement la classe politique tchadienne.

Le plus grave est que le choix de Mahamat Déby menace de faire voler en éclats l’alchimie ethnique et politique tchadienne avec le risque d’un retour à la terrible guerre civile qui a ravagé le pays avant la prise de pouvoir par Idriss Déby Itno. En plus de cela, Mahamat Déby s’est coupé d’une partie du socle militaire zaghawa qui faisait la force de son père.

Or, toute la vie politico-ethnique tchadienne dépend des rapports internes de longue durée, des alliances, des ruptures et des réconciliations plus ou moins éphémères des ethnies nordistes autour desquelles s’est écrite l’histoire du pays depuis l’indépendance. C’est autour d’elles que se sont faites toutes les guerres du Tchad depuis 1963. C’est de leurs relations que dépend le futur du pays, la majorité de la population n’étant que la spectatrice-victime de leurs déchirements et de leurs ambitions. Or, l’alignement du Tchad sur les FSR fait éclater au grand jour leurs divisions.

Il faut en effet bien avoir à l’esprit que les Zaghawa, les Toubou du Tibesti (les Teda), les Toubou de l’Ennedi-Oum Chalouba (les Daza-Gorane) et les Arabes du Ouadaï sont divisés en une multitude de clans et de sous-groupes régulièrement prêts à s’affronter. Ainsi, les Zaghawa du clan Bideyat, celui d’Idriss Déby Itno, n’ont cessé de se diviser. Pour mémoire, les frères Timan et Tom Erdibi, les propres neveux d’Idriss Déby Itno, furent en guerre contre lui.
Mahamat Idriss Déby, l’un des fils d’Idriss Déby Itno est de mère gorane. Gorane est le nom arabe désignant les Toubou de l’Ennedi et d’Oum Chalouba dont la langue est le daza. Lui-même a épousé une Gorane. D’où la méfiance de certains Zaghawa qui considèrent qu’il n’est qu’en partie des leurs. Même si, par le passé, des alliances plus qu’étroites ont pu régulièrement associer Zaghawa et certains clans Gorane, les actuels évènements du Soudan font renaître les ferments de division, certains Zaghawa considérant ainsi que le soutien aux FSR pourrait être compris comme une rupture avec eux.

Autre point, n’oublions pas qu’Hinda, l’épouse  d’Idriss Déby Itno, est une Arabe du Ouadaï et que, dans la guerre civile soudanaise, les Arabes penchent du côté des FSR.
Il est donc évident que le choix de Mahamat Déby de soutenir les FSR fait en réalité éclater la triple alliance ethno-clanique constituée par Idriss Déby , une alliance qui était le socle même de son pouvoir.

Dans ce contexte, les rebelles tchadiens qui combattent aujourd’hui aux côtés des FAS sont utilisés par ces dernières pour tenter de renverser le pouvoir à Ndjamena afin de priver les FSR de leur base arrière tchadienne. La manœuvre initiée par les FAS qui  est claire est mise en pratique depuis plusieurs mois : porter la guerre au Darfour, fief des FSR, après avoir brisé le siège d’El-Facher, afin de couper les routes d’approvisionnement de ces dernières depuis le Tchad. Une manœuvre en forme de mouvement tournant qui se précise encore davantage à la lumière des récents succès militaires des FAS.

Voilà pourquoi, en plus d’avoir peut-être misé sur le « mauvais cheval », Mahamat Déby pourrait avoir soulevé le couvercle de la cocotte-minute ethno-politique tchadienne…
 
[1] Pour l’évolution de la situation militaire au Soudan on se reportera à l’article de Leslie Varenne intitulé « Guerre au Soudan, le Tchad pris à son propre piège » publié dans Iveris et dans Mondafrique.

mercredi 19 février 2025

Tchad : Mahamat Deby a-t-il misé sur le « mauvais cheval » ?

Dans la guerre civile du Soudan, qui, depuis avril 2023, oppose les Forces armées soudanaises (FAS) du général Abdel Fattah al-Burhan, aux Forces de soutien rapide (FSR), de Mohamed Hamdan Dagalo alias Hemeti, en soutenant ce dernier, le président tchadien Mahamat pourrait avoir misé sur le « mauvais cheval ». Résultat, les FAS arment actuellement des rebelles tchadiens dont l’objectif est la prise de pouvoir à Ndjamena, ce qui priverait les FSR de leur base arrière. Or, à la différence de son père, Mahamat Déby ne pourra pas être sauvé par une intervention de la France puisqu’il a fait fermer ses bases militaires… Explications.

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mardi 11 février 2025

Pourquoi Donald Trump sanctionne-t-il très sévèrement l’Afrique du Sud ?

Directement inspirées par le wokisme, l’idéologie communiste et la pensée décoloniale, quatre lois sud-africaines ont déclenché la fureur du président Trump. Le 2 février 2025 ce dernier a donc décidé la coupure des subventions à l'Afrique du Sud. Le 5 février, le secrétaire d'Etat Marco Rubio a annoncé le boycott du sommet du G20 à Johannesburg les 20 et 21 février 2025. Le 7 février 2025 le président Trump a signé un "Executive Order" qui acte la cessation de toute aide à l'Afrique du Sud et qui prévoit d'accueillir les réfugiés afrikaners victimes de la politique raciste du gouvernement noir sud-africain.
De telles décisions s’en prennent directement au mythe de la « Nation arc-en-ciel », acte de foi obligatoire de la bien-pensance planétaire. Explications et détails.


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mercredi 5 février 2025

Comprendre la guerre du Kivu, ce conflit contemporain aux racines pluri séculaires

La guerre du Kivu est la conséquence de celle de 1990 quand, sous les ordres de Paul Kagamé, les Tutsi rwandais réfugiés en Ouganda depuis les années 1960, envahirent le Rwanda alors dirigé par le président hutu Juvénal Habyarimana. Le 6 avril 1994, l’assassinat de ce dernier provoqua le génocide des Tutsi suivi par la victoire militaire du général Kagamé (Voir à ce sujet mon livre Rwanda, un génocide en questions)
 
Puis, en 1996, éclata la guerre du Congo.  Décidée par les Etats-Unis et par la Grande-Bretagne, ces bons et loyaux alliés de la France, son but était de renverser le maréchal Mobutu allié de cette dernière. Elle fut menée par l’armée rwandaise du général Kagamé. Soumise au protectorat moral de Washington, la France laissa faire, épisode peu glorieux qui marqua le début de sa perte de prestige et de son influence en Afrique.
D
epuis, le Rwanda occupe le Kivu, directement, ou à travers des milices qui lui sont inféodées, tout en s’employant à y créer une situation de non-retour débouchant sur une sorte de protectorat régional sous son contrôle. Pourquoi et comment ? Quelques explications que l’on ne trouvera pas chez les butors de la sous-culture médiatique sont nécessaires à la bonne compréhension de la situation.

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lundi 3 février 2025

Nouveau livre de Bernard Lugan : Histoire des Algéries

























Présentation


Géographiquement, ethniquement, linguistiquement et historiquement, l’Algérie est plurielle. Dans cet ouvrage, Bernard Lugan en retrace toute l’histoire et nous raconte comment ces mondes pluriels sont devenus l’État algérien actuel.
Ces diversités ont longtemps fait obstacle à un processus de fusion « nationale ». Un phénomène aggravé par la position « centrale » du pays dont les deux pôles potentiels d’unité, Tlemcen et Bougie, eurent des places d’autonomie chronologiquement réduites en raison du poids exercé à l’Ouest par le Maroc et à l’Est par Tunis. Ce fut donc en 1839 que ces mondes furent baptisés Algérie par les conquérants français ; puis en 1962 qu’ils devinrent l’État algérien.

Edition Ellipses
256 pages
Disponible dans toutes les librairies

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vendredi 31 janvier 2025

L'Afrique Réelle n°182 - Février 2025

Sommaire

Actualité
Comment Mayotte est devenue française
Dossier Algérie :
- Histoire des Algéries : Interview de Bernard Lugan
- L’Algérie doit son unité et ses frontières à la France 
- Le congrès de la Soummam ou ce qu’aurait pu être une autre Algérie
- Comment soigner l’Œdipe algérien ?
- L’Algérie se brouille avec la Turquie


Editorial de Bernard Lugan

Sur quoi le chantage algérien repose-t-il ?

Le jusqu’auboutisme algérien se manifeste par des errements diplomatiques apparentés à une fuite en avant. 
En plus de l’état de quasi-guerre que l’Algérie entretient avec le Maroc, de ses provocations à l’égard de la France, de sa rupture avec le Mali et des sanctions commerciales qu’elle vient de décider contre la Colombie et le Panama qui ont reconnu la marocanité du Sahara occidental, voilà que les gérontes au pouvoir à Alger viennent de provoquer une grave crise avec la Turquie (voir page 17 de ce numéro).

L’amateurisme-fanatisme d’Alger est le reflet d’un régime aux abois qui se raidit et se crispe au lieu de tenter d’acheter sa survie par une profonde remise en cause. La situation de l’Algérie est en effet dramatique à deux grands titres :

- L’État meurt de l’intérieur, écrasé par ses propres contradictions et ruiné par les prévarications de sa nomenklatura.

- Cette agonie de l’Etat provoque l’isolement de l’Algérie, sa perte de crédibilité et sa marginalisation sur la scène internationale. Ce qui conduit à une crispation débouchant aujourd’hui sur une impasse répressive qui va finir par faire exploser le pays.
Le pire est que les dirigeants algériens semblent se comporter comme des suicidaires cherchant névrotiquement à se rapprocher du pire. 
A y regarder de près le pouvoir en place à Alger parait en effet avoir clairement décidé de s’auto-détruire et de précipiter le pays dans l’abîme. Comme si, seule la politique du pire pouvait lui fournir une ultime bouffée d’oxygène avant de trépasser. Après avoir dilapidé ses ressources humaines et financières, l’Algérie est aujourd’hui exsangue.

Or, au lieu de profiter de la situation pour enfin mettre à plat le contentieux qui oppose la France et l’Algérie, les dirigeants français vont une fois de plus composer. 

Et pourquoi ? 

- Ce n’est pas une pression économique que peut exercer l’Algérie puisque le gaz et le pétrole ne représentent respectivement que 8% et 9% de la consommation française. Quant au commerce de la France avec l’Algérie, il ne compte pas puisqu’il n’est en moyenne que de 12 milliards d’euros pour un commerce extérieur français global moyen de 770 milliards d’euros. 

- Ce n’est pas davantage le poids d’une cinquième colonne immigrée dont les éventuels agissements illégaux pourraient être facilement réglés par de fermes mesures de simple police…

Alors ? Là est en effet toute la question...

mardi 14 janvier 2025

jeudi 9 janvier 2025

Mayotte : le vrai problème est la départementalisation

Analyse de Bernard Lugan

Si garder Mayotte dans le giron français était à l’évidence un impératif géopolitique et géostratégique, en revanche, sa départementalisation fut une grave erreur. La crise systémique que connait l’île en est le tragique révélateur. Quant aux futures générations françaises, elles seront condamnées à en assumer tant les conséquences politiques que le coût.
Comment d’ailleurs a-t-on pu croire, ou faire semblant de croire, qu’une île de l’océan indien appartenant au monde swahili, en petite partie francophone et à 95% musulmane, allait pouvoir devenir par un coup de baguette magique un département français ?
 
Afin de donner une apparence de légalité au « fait du prince » qui changea le statut d’un territoire d’outre-mer qui n’avait de toute évidence pas vocation à devenir département, un simulacre de référendum fut décidé :
 
- Un simulacre en effet puisque ce référendum ne concerna que les seuls habitants de Mayotte, à l’exclusion des Français métropolitains, eux qui allaient pourtant devoir assurer de leurs deniers les conséquences de l’opération puisque Mayotte ne produit rien...
 
- Simulacre de référendum encore parce que cette seule population mahoraise appelée à voter n’allait évidemment pas refuser les avantages sociaux promis par la départementalisation. Et elle plébiscita à 95% une départementalisation, synonyme pour elle d’alignement sur les prestations de l’assistanat servies en Métropole…
 
Que Mayotte soit sincèrement attachée à rester française, c’est bien certain et il n’est pas question de remettre cette appartenance en cause. Ce qui pose problème est sa départementalisation, c’est à dire l’alignement du statut mahorais sur celui des départements métropolitains et d’outre-mer. Un objectif non seulement inatteignable étant donné les spécificités de Mayotte, mais également une bombe à retardement dont les conséquences futures seront redoutables.
 
Au-delà des terribles images cycloniques et des discours politiques convenus, cette analyse montre pourquoi la départementalisation de Mayotte fut une erreur et à quoi elle va conduire dans l’avenir.
 
Explication et développement

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